La filière vitivinicole française est touchée par une crise multifactorielle. Si le secteur souffre il n’en reste pas moins résilient. De son côté, le Crédit Agricole met en place des mesures financières pour diminuer la pression qui règne sur la profession et encourage les producteurs à mettre à plat leurs stratégies de production et de commercialisation.
La bouteille de vin de table a quasiment disparu du quotidien. La consommation a baissé de 70 % en soixante ans. Une tendance qui s’intensifie ces trois dernières années, en particulier pour le vin rouge avec 15 % de ventes en moins dans la grande distribution, selon France Agrimer. Les principales raisons de ce désamour sont dues à des chocs successifs : conjoncture américaine, marché chinois, crise sanitaire, impact du changement climatique, inflation…
Les moins de 35 ans boivent moins de vin rouge
S’ajoute à ce contexte, une évolution de la consommation due à de nouvelles tendances. Les moins de 35 ans préfèrent les rosés légers et les vins pétillants. Face à ce constat, quelles projections le vignoble français peut-il faire pour assurer l’avenir ? « Il y a un travail indispensable à mener pour pouvoir se redonner de la visibilité à moyen terme. Les questions de positionnement sur les marchés sont très importantes », affirme Jean-Christophe Roubin, directeur du marché agri agro à Crédit Agricole SA. « L’intégralité de la filière est confrontée à des difficultés. Il faut poser les diagnostics et proposer des solutions : l’arrachage, la consolidation des caves coopératives et leurs probables rapprochements, fusions… Notre volonté est de rester l’acteur majeur des vins et spiritueux : on veut accompagner au mieux et dans la pérennité nos clients. Et ne surtout pas mettre de la dette sur quelqu’un qui n’a pas d’avenir sur un territoire trop difficile ou une AOC trop compliquée, explique-t-il.
Un plan d’arrachage, évalué à 120 millions d’euros
En septembre 2024, le gouvernement français a soumis à la commission européenne, un plan d’arrachage de 120 millions d’euros, de quoi supprimer 30 000 des 800 000 hectares du vignoble français. Un dispositif financé par l’Etat, la région Nouvelle-Aquitaine et l’interprofession des vins de Bordeaux est déjà en place en Gironde.
Pour alléger la trésorerie des exploitations agricoles et viticoles en difficulté, le Crédit Agricole a aussi déployé certaines mesures. Les actions des Caisses régionales ont permis d’alléger la trésorerie des exploitations à hauteur de 139 M€. De nouveaux dispositifs sont attendus en ce début d’année 2025.
Le secteur représente 440 000 emplois pour un chiffre d’affaires s’élevant à 92 milliards d’euros, soit 1,4 % du PIB du pays.
« Je fais partie du comité filière vin, cela me permet de rencontrer les principaux acteurs des Caisses régionales viticoles et des entités dédiées deux fois par an«
Comment CA Grands Crus s’organise-t-il face à la crise du secteur ? Les domaines exploités par le Crédit Agricole sont-ils touchés ?
Anne le Naour : Certes, ce n’est pas la vocation principale d’un groupe bancaire d’être propriétaire de vignobles mais cela nous oblige. Le Groupe Crédit Agricole est le seul partenaire financier de la filière, fort d’une pratique et de ses problématiques, à pouvoir s’adresser aux acteurs concernés. Depuis deux ans au moins, on observe des difficultés commerciales. Cela commence aussi à toucher les crus classés spéculatifs. La résilience, on la travaille sur plusieurs plans. Nos vignobles sont tous en AOP, on entend poursuivre sur la voie des cépages traditionnels régionaux, avec le respect du cahier des charges d’appellation mais en s’adaptant au mieux au dérèglement climatique.
Vos domaines sont-ils impactés par l’arrachage ?
Non, mais cela nous touche évidemment puisque cela impacte notre territoire. On se pose beaucoup de question autour de l’avenir de ces sols viticoles, à quelle autre culture peuvent-ils être rendus ? Comment les valoriser ?
Quelles innovations déployez-vous pour faire face aux transitions et aux enjeux de la filière ?
Nous avons été les premiers dans notre département à travailler avec des pulvérisateurs confinés qui permettent de récupérer 30 à 40 % de produit comme du cuivre par exemple. On travaille depuis quelques années avec l’entreprise Onafis, une société hébergée au Village by CA, qui a inventé un dispositif de sonde pour tracer un contenu. On collecte de la data commerciale pour mieux comprendre la cartographie de la distribution de nos vins. Cela nous permet de sonder différents marchés comme celui de New York, particulièrement important.
Développez-vous actuellement de nouveaux produits pour vous adapter aux nouveaux modes de consommation ?
On réfléchit toujours à de nouveaux produits mais aujourd’hui, si l’on reste sur le segment du rouge sur nos propriétés bordelaises, on adapte nos vins pour qu’ils soient moins extraits, moins tanniques. Le vin gagne ainsi en fraîcheur et en expression du fruit.
Travaillez-vous en synergie avec d’autres entités du Groupe ? Si oui, sur quel sujet ? Pourquoi ?
Je fais partie du comité filière vin, cela me permet de rencontrer les principaux acteurs des Caisses régionales viticoles et des entités dédiées deux fois par an. C’est précieux car le Groupe est très fort pour inventer de nouveaux produits et services, et accompagner ses clients sur des sujets spécifiques à la filière.
Quels sont vos projets à venir ?
Notre ambition est de faire connaître davantage CA Grands Crus, y compris au sein du Groupe. Autre enjeu de taille : la distribution sur la partie bordelaise. Ce qui fera le renouveau du vin de Bordeaux, c’est sa capacité à créer un lien fort entre la propriété et le consommateur final. Pas uniquement le consommateur initié ou le client négociant. Pour cela, nous développons l’accueil à la propriété d’un public très large.
En savoir plus (encadré) CA Grands Crus est une marque ombrelle qui regroupe deux fonds d’investissement détenus par le groupe Crédit Agricole : CA Grands Crus et Grand Crus investissement. Mais la marque est surtout connue pour ses domaines viticoles. Le Groupe exploite quatre propriétés dont trois dont il détient également le foncier : le Château Grand Puy Ducasse (Grand Cru Classé en 1855 à Pauillac) et le Château Meyney (Saint-Estèphe) à Bordeaux – et le domaine du Château Philippe le Hardi, sur la commune de Santenay. |
Instance politique du Crédit Agricole, la Fédération nationale du Crédit Agricole est une association loi 1901. Ses adhérents sont les Caisses régionales, représentées par leurs présidents et leurs directeurs généraux.
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