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L’agriculture, demain

Agri-Agro

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Quelle sera notre agriculture en 2050 ? Sébastien Abis livre sans détours ses réflexions en insistant sur les transformations nécessaires pour garantir notre souveraineté alimentaire.

Quels seront les enjeux de l’agriculture en France, en 2050 ? Avec quels agriculteurs pour quel type d’agriculture ?

Tout d’abord, il faut reconquérir les cœurs et les esprits. L’agriculture fait partie du quotidien des Français qui doivent en prendre conscience. Moins de pétrole demain, c’est forcément plus d’agricole. En 2050, elle devra retrouver sa dimension stratégique et fonctionnelle. Il s’agit de comprendre que c’est un sujet répétitif, invariable et lassant, voire vieux dans une société qui s’intéresse au neuf et à l’émotion, mais c’est un sujet paradoxal : vital, universel, quotidien, mais si banalisé que l’on a oublié qu’il était central.

Puis, demain, l’agriculture devra lier compétitivité et durabilité. Des agricultures robustes qui génèrent des revenus, diversifient leurs productions, dans un jeu international profondément remanié où la concurrence est plus forte que jamais. L’Europe va devoir s’adapter à cette compétition et se remuscler. Pour décarboner et investir dans le vert, il ne faut pas être dans le rouge économiquement.

La France agricole sera constituée d’une mosaïque de modèles. Il faudra donc être hyper flexible, hyper ingénieux et hyper personnalisé avec l’exigence d’une vision collective et proposer des outils qui fédèrent et qui stimulent. Il ne faudra pas succomber à la relocalisation. En revanche, tout ce qui peut être consommé en local fait vivre le territoire et tant mieux ! Une agriculture responsable suppose la responsabilité du citoyen pour une alimentation bonne pour la santé des consommateurs, de la planète et des territoires. En 2050, se posera la question du juste prix de l’alimentation. Cette question sociale suppose de réfléchir à des mécanismes pour accompagner ceux qui n’auraient pas les moyens. Une ingénierie financière est à inventer.

Qu’est-ce que la compétitivité durable pour une entreprise agricole ?

Elle suit cinq piliers : la profitabilité, la diversité (énergie, service), la durabilité, la transmissibilité et la portabilité, se « dérisquer ». In fine, les profils des agriculteurs seront très diversifiés. Les Nima (Non issus du monde agricole) seront plus nombreux, sans oublier les Sima (Sans issue du monde agricole) – « agriculteur un jour, agriculteur toujours », c’est fini – et les salariés agricoles. Il faut donc trouver des systèmes, notamment financiers, pour répondre à cette préoccupation. En 2050, nous aurons besoin de plus d’agriculture et nous en parlerons plus qu’aujourd’hui, en redécouvrant cette grande force qui fut la nôtre.

Comment définiriez-vous la souveraineté ?

En géopolitique, la souveraineté c’est être capable de savoir où sont vos forces et vos fragilités sans vous couper de relations internationales. Il faut combiner dépendance, indépendance, interdépendance. Il faut donc cesser de dire que l’on peut être souverain sur le plan alimentaire en France, sauf à exiger des consommateurs qu’ils ne mangent que des produits de l’Hexagone et des territoires ultramarins. En revanche, il faut se donner les moyens de l’être davantage, en développant des filières agricoles tout en les combinant avec les opportunités qu’offrira l’évolution climatique d’ici à 2050.

Dans un monde en pleine évolution géopolitique, le sujet de la souveraineté alimentaire redevient prévalent. Comment la France arrivera-t-elle à la garantir en 2050 ?

Il y a tout d’abord une cohérence d’approche. Les instabilités climatiques et géopolitiques accentuent les insécurités alimentaires et l’imprévisibilité agricole et alimentaire. Les surchauffes climatique et géopolitique risquent de s’amplifier : il faut les atténuer et s’y adapter.

Nous sommes entrés dans une nouvelle séquence géopolitique. Après l’effet papillon, nous avons connu une rupture, en 2008, avec un changement de puissance : la Chine a pris les commandes devant les Etats-Unis, ce que j’ai appelé « le pachyderme chinois dans une planète de porcelaine ». Depuis la fin de la pandémie du Covid, nous sommes dans le temps géopolitique des hippopotames. Ils sont féroces, véloces et polygames.

La loi du plus fort revient fortement sur la scène internationale. Ce durcissement se joue, en miroir, dans les relations intersociales à tous les échelons (domicile, local, national). La course en solitaire s’intensifie partout. En parallèle, les transformations technologiques s’accélèrent et s’ajoutent aux transformations structurelles du monde. Des pays, à l’image de l’Europe, diversifient leurs relations internationales et nouent des alliances circonstancielles. Il est totalement assumé aujourd’hui de mener une diplomatie pour ne fâcher personne : le multi alignement, c’est la polygamie stratégique ! De plus, l’hippopotame a besoin d’eau et tout le monde, demain, fera une course à l’eau. Enfin, il est herbivore, mais devient carnivore s’il a faim. Il y a quelques années, j’ai expliqué qu’une Europe herbivore dans un monde de carnivores était périlleux. Je persiste et signe, nous sommes entrés dans le temps géopolitique des hippopotames !

On parle beaucoup d’agriculture, mais quid de la mer ?

En effet, nous devons combiner le vert et le bleu. Notre incohérence réside dans le fait que nous importons 90 % des produits de la mer consommés alors que nous sommes la seconde puissance maritime mondiale ! Avec une pêche fragilisée par le Brexit, les quotas écologiques et une raréfaction des ressources, comment géopolitiquement donnons-nous les moyens aux pêcheurs français de pêcher dans les eaux françaises ? Nous pourrions créer de l‘activité made in France avec les territoires ultramarins. Alors que la Chine fournit 75 % des productions aquacoles mondiales, nous avons besoin d’agro-industrie en zone rurale et d’activités économiques et alimentaires sur les littoraux. Enfin, les consommateurs doivent trouver des produits qui correspondent à leurs goûts. Le saumon est, après le café, le produit alimentaire le plus importé par la France ! Nous pouvons en produire, à condition de faire de l’aquaculture, la question étant de la rendre plus accessible, demain.

Agir en Méditerranée avec Farm
Lancé au début 2024, le projet Adaptation des agricultures au changement climatique en Méditerranée (AACC-Med) est porté par la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), en partenariat avec le CIHEAM Montpellier (1), les Caisses régionales Alpes Provence, Provence Côte d’Azur, Sud Méditerranée, Languedoc et Corse, Crédit Agricole Italia, le Crédit Agricole du Maroc et l’initiative Internationale « 4 pour 1000 ». La Fondation a publié le livre blanc L’urgence de l’adaptation : pour des agricultures méditerranéennes résilientes au changement climatique, au second semestre 2024. Puis, à la suite d’échanges inter-rives, les membres du projet produiront des recommandations orientées vers les décideurs publics et privés pour faciliter le financement des mesures d’adaptation au changement climatique. La région méditerranéenne est celle qui se réchauffe le plus vite au monde.
(1) Le Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes est une organisation intergouvernementale composée de 13 Etats membres.

Nourrir 2050

Sébastien Abis (sous la direction), Nourrir 2050 : de la fiction à la réalité, Le Déméter 2025, Club DEMETER/IRIS Editions, Février 2025.

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La Fédération nationale du Crédit Agricole

Instance politique du Crédit Agricole, la Fédération nationale du Crédit Agricole est une association loi 1901. Ses adhérents sont les Caisses régionales, représentées par leurs présidents et leurs directeurs généraux.

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