Bernard Devert est un ancien promoteur immobilier devenu prêtre et président du Mouvement Habitat et Humanisme qu’il fonde en 1985 afin de venir en aide aux personnes mal-logées. Il a été nommé par le Président de la République, en décembre 2021, président du Haut Comité pour le droit du logement.
« Le marché de l’immobilier a toujours été jugé difficile ; il est devenu impossible. Le sujet est comment parvenir à gommer la première syllabe de ce mot. Lamartine rappelle que si le réel est étroit, le possible est immense. Comment alors le faire surgir ?
A ce possible, il faut nous investir davantage pour en faire un événement qui interroge les consciences si nous voulons briser la misère, ce mal qui fait mal. Souvent cachée, elle est dramatiquement prégnante. Le corps social est disloqué. Il s’ensuit un enfièvrement. Trop de nos concitoyens pensent qu’il n’y a pas d’autres issues que de renverser la table alors qu’il s’agit de voir comment l’agrandir pour que trouvent place ceux qui n’ont que les miettes. Tel est le défi que nous voulons relever.
Dans cette approche, nous trouvons tout le sens de la mixité sociale, notre ADN qui nous mobilise. La hausse déraisonnable du foncier la met en échec, pour le moins la rend plus délicate. Or, elle est une urgence si nous ne voulons pas que se creusent davantage les abîmes. Tisser la mixité sociale a un prix pour exiger 35 % de fonds propres sur chacune des opérations, voire parfois davantage. Que se passe-t-il pour ceux dont le ressenti amer est de constater qu’ils n’ont pas de place ? Au 31 décembre 2023, les foyers reconnus éligibles au droit au logement opposable (Dalo), depuis 2008, sont au nombre de 102 000 en attente d’un logement.
La place d’Habitat et Humanisme se joue ici : réduire les délais pour qu’un foyer trouve sa place, bâtir des lieux adaptés à la situation de nos aînés, sans les mettre pour autant en retrait, offrir à des jeunes un habitat qui ne les enferme pas dans leur statut. Ne nous payons pas de mots, nous nous heurtons aux moyens financiers, aux cultures différentes et aux graves inégalités qui minent les relations sociales.
Bâtir la mixité sociale suscite un faire-ensemble, pour parvenir un jour à vivre-ensemble. Oui, trouver place, faire place est une invitation à vivre un déplacement, une décrispation introduisant une réflexion sur l’entraide jusqu’à interroger l’économie. Ne parle-t-on pas de place financière ?
Lyon, ville-berceau d’Habitat & Humanisme, a su susciter celui de l’économie solidaire dont Habitat & Humanisme est pionnière. L’heure est vraiment de la développer.
Près de 15 000 actionnaires, personnes physiques, s’investissent au sein de nos deux foncières, H&H logement et Entreprendre pour humaniser la dépendance (EHD). Leurs souscriptions sécurisées par la délégation de service public recueillies via la signature du mandat de service d’intérêt économique général (SIEG) se présentent comme la pierre d’angle de cette nouvelle économie.
L’épargne solidaire représente 0,45 % de l’actif circulant de nos concitoyens. Doubler un peu plus ce pourcentage pour parvenir à 1 % éclairerait bien nos horizons. Soyons justes, l’Etat apporte son concours via une fiscalité accompagnant cet investissement, outre des subventions auxquelles participent également les collectivités locales. Soyons suffisamment humbles et lucides pour reconnaître que nous avons besoin de tous ceux qui, attentifs à la fraternité, concourent à ces synergies créatrices d’une harmonie à parfaire.
Maîtriser le foncier pour redonner à la mixité, actuellement en recul, une nouvelle acuité.
Bâtir la mixité, c’est veiller à la fraternité. Pour ce faire, une lutte contre la spéculation et l’enrichissement sans cause s’impose. Est-il juste que les propriétaires fonciers qui bénéficient d’importants investissements publics de l’Etat et des collectivités locales voient soudainement exploser la valeur de leur patrimoine foncier ? Dans toutes les métropoles et en Île-de-France, avec le grand Paris, le sujet revêt une intensité toute particulière. Ces rentes ne peuvent pas se pérenniser tant elles créent des iniquités.
La réduction de la vacance des logements en fléchant leur ouverture à destination des foyers hébergés.
Comment ne pas partager l’inquiétude du devenir des personnes hébergées, plus de 200 000 en France ? Nous ne saurions le reprocher à l’Etat, saluant l’effort qu’il a entrepris aux fins de mettre à l’abri les plus vulnérables. Force est de constater que les toiles de tente essaiment dans les villes et métropoles. Or, 320 000 logements sont vacants dans les villes, là où la demande d’un toit est la plus forte. L’heure n’est pas de jeter l’opprobre sur quiconque, conscients que nombre de bailleurs renoncent à la location de leurs biens afin d’éviter tout contentieux pour n’avoir pas les moyens et toujours le savoir-faire pour recueillir les subventions facilitant les travaux de réhabilitation. Les bailleurs, pour plus de 60 %, gèrent directement leurs biens sans avoir recours à des professionnels. La question est comment les rejoindre. Quelle réponse possible, les foncières solidaires bénéficiant du mandat SIEG sont susceptibles d’apporter un réel concours.
Comment ? En proposant à ces propriétaires d’apporter à ces foncières à titre onéreux le bien inoccupé. Au terme de cette transaction, devenant associés de l’entité portant le patrimoine, ils bénéficieront d’une souscription qui, en l’état des dispositions fiscales, offre une réduction d’impôt de 25 % au titre de l’IRPP.
Ce patrimoine est à réhabiliter ; il serait assez juste que cette réduction d’impôt soit majorée de 15 % à 20 % dès lors que ces porteurs de parts s’engageraient au développement du logement très social (prêt PLAI et PLUS) acceptant à ce que la liquidité de leurs titres n’intervienne pas avant une période de 15 années, à courir du jour de la souscription.
Ce patrimoine, appréhendé par les foncières, serait affecté prioritairement, voire exclusivement à la sortie des ménages relevant de l’hébergement.
L’économie solidaire signe la fraternité
Au sein d’une société qui en appelle au sens, mais qui peine à introduire le sens de l’autre, la fraternité, même si elle est en recul, n’est pas éteinte ; il s’en faut pour être une boussole qui doit conduire vers des terres humanisées, en d’autres termes des lieux qui donnent lieu à plus d’égalité et par là même à une plus grande liberté. L’attention à l’économie solidaire traduit une écoute de ce cri de détresse : il n’y a donc personne pour entendre, personne pour comprendre.
Quand nos grands aînés doivent attendre des années pour trouver un lieu offrant un lien qui les sécurisent, quand des mamans sont confrontées à la rue avec leurs enfants, la seule attitude possible est la fermeté d’agir au sens où Bernanos dit que l’espérance est un risque à courir.
L’avenir de notre société ne fera pas l’économie de cette question partagée : quels risques voulons-nous courir pour un monde plus humain ? »
Un partenariat étroit Depuis vingt ans, Habitat et Humanisme et la Fondation Crédit Agricole Solidarité et Développement (CASD) développent des liens étroits. La collaboration s’est renforcée grâce à la signature d’un partenariat qui implique la Fondation CASD dans le développement du pôle recherche et innovation d’Habitat et Humanisme. Habitat et Humanisme innove depuis de nombreuses années dans différents domaines : pensions de famille, habitats intergénérationnels, « Maison qui déménage », logement des personnes âgées en Ehpad, plateformes de soins pour les personnes âgées, etc. Implanté sur le territoire de la Caisse Centre-est, le mouvement Habitat et Humanisme a noué dès l’origine des relations fortes avec le Crédit Agricole. |
Instance politique du Crédit Agricole, la Fédération nationale du Crédit Agricole est une association loi 1901. Ses adhérents sont les Caisses régionales, représentées par leurs présidents et leurs directeurs généraux.
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