[Etape n°17] Sur les routes des transitions en Ile-de-France

Pour répondre aux enjeux climatiques, écologiques et économiques, la région Ile-de-France se tourne vers l’utilisation de l’eau dans une perspective durable. Avec ses 8 500 kilomètres de voies navigables, le bassin de la Seine concentre près de de 50 % du trafic fluvial national de marchandises. La 17e étape des Routes des Transitions est allée à la rencontre de ceux qui transforment ces atouts naturels pour un avenir plus respectueux de l’environnement.

Fludis, un transport fluvial décarboné

Au lever du jour, le bateau électrique de Fludis, sur la Seine, transporte des vélos cargos chargés des livraisons pour des entreprises du VIIe arrondissement et ses environs. Dans la journée, à raison de plusieurs tournées, ce seront en moyenne 700 kilos par unité qui seront transportés. Gilles Manuelle, président-fondateur de Fludis, voit la Seine comme une solution d’avenir. Depuis quatre ans, l’entreprise a ainsi mis en place un système de barges électriques pour transporter les marchandises, une alternative décarbonée aux réseaux routiers et ferroviaires saturés. L’entreprise en pleine expansion va permettre de déployer davantage la flotte avec le rachat d’un concurrent. Fludis utilise chaque mètre carré comme une ruche qui réduit les émissions de CO2 mais aussi évite les bouchons. Ce modèle, bien que prometteur, rencontre des défis. Il nécessite des investissements lourds et induit des contrats longs. L’autre point est de conserver la mixité d’usage, entre les activités de loisir et le développement de nouvelles activités industrielles. Gilles Manuelle reste optimiste quant à l’avenir. Le marché est en pleine croissance et Fludis envisage une expansion dans d’autres villes françaises comme Lyon, Bordeaux. Pour lui, le fleuve, loin d’être une relique du passé, est un vecteur d’avenir pour la transition écologique des villes.

Seine Grands Lacs face aux défis climatiques

Face à l’incertitude climatique croissante, Seine Grands Lacs repense la gestion des eaux de la Seine, La Marne, l’Aube et l’Yonne. Emmanuelle Lucas, en charge de la gestion des grands lacs réservoirs de la Seine, souligne l’importance de reconnaître les limites de la maîtrise humaine face à des événements tels que les crues et la sécheresse. Une réalité qui oblige Seine Grands Lacs et ses partenaires à revoir leur modèle et à s’adapter. Elle insiste sur la culture du risque et l’importance de se concerter avec les collectivités locales et les acteurs privés ainsi que les agriculteurs. La restauration de l’expansion naturelle des crues, la réduction de l’imperméabilisation des sols, l’adaptation des habitations en zones inondables sont des pistes à explorer.

La sobriété est également au centre, reconnaissant que les réservoirs, malgré leur grande capacité de stockage, ne peuvent pas tout résoudre, notamment en cas de sécheresse. Ils doivent être utilisés avec discernement et en complémentarité avec des actions de prévention.

Vertuoso, stopper la polutation à la source

Romain Garcin, fondateur de Vertuoso, propose une approche radicale pour lutter contre la pollution urbaine : filtrer les eaux pluviales à la source. C’est à dire, récupérer tout ce qui traîne sur les chaussées avant que cela ne finissent dans les rivières. Son innovation, un panier de collecte pour avaloirs, capture non seulement les déchets visibles mais aussi les polluants invisibles comme les particules fines et les métaux lourds ainsi que les hydrocarbures qui ont un impact direct sur la biodiversité et la santé.

Cette méthode vise à prévenir la contamination des rivières et des océans en interceptant les polluants avant qu’ils ne s’y déversent. Romain Garcin insiste sur l’importance de cibler les polluants issus de l’usure des pneus, du goudron et des produits de nettoyage urbain, souvent négligés et pourtant parmi les plus nuisibles à long terme.

Seul pour se développer, et en phase de prototypage et de tests, il a déjà déployé une trentaine de ces avaloirs brevetés. Il souligne que les collectivités font des tests et des phases de communication, mais le suivi n’est pas efficace. Malgré les défis, notamment le manque de coordination entre les acteurs du nettoyage urbain et les collectivités, il persiste dans sa mission.

Il plaide pour un investissement à long terme dans les infrastructures de filtration, convaincu que son modèle peut transformer la gestion des déchets urbains. Son objectif est de réduire radicalement la pollution, en particulier dans les villes côtières comme Cannes ou Antibes. Romain Garcin appelle à une prise de conscience collective et à une action préventive plutôt que curative pour protéger l’environnement urbain.

Fraicheur de Paris, le plus grand réseau de froid d’Europe

Face à l’intensification des vagues de chaleur, Paris mise sur son réseau de froid urbain, alimenté par la Seine. Géré par Fraîcheur de Paris, ce réseau, le plus grand d’Europe, utilise l’eau du fleuve pour rafraîchir les bâtiments, offrant une alternative écologique aux systèmes de climatisation traditionnels et à moindre coûts. Concrètement, Fraicheur de Paris, transporte de l’eau glacée vers les bâtiments, où elle capte la chaleur produite par les activités humaines.

La demande en froid urbain a fortement augmenté. L’objectif est donc ambitieux : étendre le réseau de 100 à 250 kilomètres d’ici 2042, afin de répondre à cette demande en forte croissance. L’extension du réseau vise aussi à garantir le confort thermique des Parisiens et à répondre à des questions de santé publique, en particulier pour les plus fragiles comme les personnes âgées, les enfants, comme nous le précise Raphaëlle Nayral, secrétaire générale de Fraîcheur Paris.

Ce projet ambitieux représente un défi d’ordres technique et financier considérable, avec un coût estimé à 1 milliard d’euros sur vingt ans. Cependant, l’investissement est jugé indispensable pour éviter les effets dévastateurs de l’augmentation des températures en milieu urbain.

« L’accès au froid va devenir un élément de différenciation sociale si l’on n’y prend pas garde, » avertit Raphaëlle. Fraîcheur de Paris s’engage à démocratiser l’accès au froid, en veillant à ce que les bâtiments accueillant des populations fragiles (crèches, écoles, Ehpad, hôpitaux) soient prioritaires. L’entreprise travaille également à optimiser l’utilisation de la Seine en minimisant son impact sur le fleuve.

Exploiter un réseau de fraîcheur quand il fait 50° dehors reste la problématique à échéance 2050. C’est l’importance d’une vision à long terme pour assurer la pérennité de ce dispositif essentiel à la ville de demain.