Avec une densité de population parmi les plus faibles du pays, la Lozère se distingue pourtant par son équilibre entre paysages sauvages et activités humaines. L’accès aux services publics, la mobilité ou encore le maintien d’une économie locale dynamique nécessitent de s’adapter. A travers quatre initiatives emblématiques, cette étape des Routes des Transitions met en lumière tout un écosystème dynamique et engagé pour son territoire.
Au cœur des Cévennes, à Florac-Trois-Rivières, l’Atelier Tuffery perpétue depuis 1892 la tradition du jean français. Reprise en 2014 par la quatrième génération, cette entreprise familiale a choisi de rester fidèle à son territoire, faisant de son isolement une force. En effet, récupérer une entreprise qui fabrique du jean au fin fond d’un territoire rural, ce n’était pas évident. Alors que maintenant, loin d’être un frein, cet ancrage territorial est devenu un levier de différenciation et d’innovation, nous précise Julien Tuffery.
Loin des contraintes des grands centres urbains, l’Atelier Tuffery bénéficie d’un environnement favorable à l’innovation et à la proximité avec les acteurs locaux. Dans un monde où les démarches administratives peuvent être un frein, ici en un seul mail, directeur de banque, préfet, président de chambre consulaire…. se réunissent autour d’une table.
Autre avantage, le recrutement, facilité par la quête de sens des candidats conjugué avec un cadre de travail privilégié contribuent également au succès de l’entreprise. L’entreprise n’a eu aucune difficulté à recruter ses 40 salariés sans même passer d’annonce.
Grâce aux nouvelles technologies et à la vente directe, l’Atelier Tuffery a su s’adapter aux défis de la mondialisation, tout en privilégiant la qualité et la durabilité. Ils vendent en ligne tout en accueillant le public aussi dans leur boutique qui leur permet de dégager un chiffre d’affaires de 2 millions par an, grâce au tourisme notamment. L’entreprise explore également des solutions écologiques, comme l’utilisation de matières premières locales.
Loin de la course à l’hyper croissance et aux levées de fonds, Julien Tuffery revendique un modèle de croissance réfléchie, ancré dans le territoire et respectueux de l’environnement. Elle explore des solutions durables, comme l’utilisation du lin, de la laine et du chanvre cultivés localement pour limiter l’utilisation du coton, gourmand en eau.
L’Atelier Tuffery démontre ainsi que la ruralité peut être un véritable atout pour l’innovation et la prospérité.
Située à Hyelzas, dans un paysage aride et rude, sur le Causse Méjean, la fromagerie Le Fédou s’adapte face aux contraintes d’un territoire à priori difficile. Avec des consommateurs en quête d’authenticité, la fromagerie s’appuie sur un ancrage local et produit des fromages d’exception. Les brebis qui pâturent dans ce paysage transmettent forcément les goûts du Causse Méjean, explique Florence Pratlong, à la tête de la fromagerie.
La fromagerie ne pourrait exister sans la collaboration entre les éleveurs qui travaillent en symbiose avec cet environnement et la fromagerie. Tout en préservant les traditions, elle s’appuie aussi sur des idées nouvelles conjuguant savoir faire et innovation. Un écosystème se met en place, reliant producteurs, salariés et clients dans une démarche solidaire et de coopération. Cette coopération se retrouve dans le modèle de gouvernance de la fromagerie. En 2008, la structure a ouvert son capital à des actionnaires locaux créant un vrai projet collectif qui garantit une stabilité financière. Dans un territoire où les ressources sont limitées, cette approche est une condition essentielle de pérennité.
L’entreprise qui se veut innovante a diversifié sa gamme en créant des fromages inédits tout en perfectionnant les méthodes des fromages historiques.
La fromagerie a étendu sa commercialisation au-delà du local, grâce à un réseau de distribution, avec des grossistes en France et à l’étranger.
L’entreprise doit faire face à des enjeux majeurs comme la pénurie de logements, le manque d’eau sur les causses, la présence de grands prédateurs, dont le loup. La fromagerie doit sans cesse s’adapter pour maintenir son activité.
Pour conclure, la fromagerie en misant sur la coopération, l’innovation et la valorisation de son territoire, la fromagerie Le Fédou démontre qu’il est possible de conjuguer tradition et modernité, ruralité et développement économique.
Fondée en 1982, Cogra est pionnière dans la fabrication de granulés de bois en Europe. Son histoire intimement liée à la Lozère a débuté dans un contexte ou les énergies renouvelables n’étaient pas faciles à vendre a expliqué François Chapon, qui a pris la suite de son père à la tête de l’entreprise. Mais grâce à un ancrage territorial et à une vision innovante, Cogra a su transformer en contrainte une opportunité. L’entreprise valoriste les déchets de scieries en granulés. Cette filière locale est capable d’alimenter les chaufferies collectives et les particuliers.
Lorsqu’il a fallu remplacer son usine historique de Mende, devenue trop vétuste et étroite, Cogra a été confrontée à de fortes oppositions locales. Elle a su d’adapter, choisissant l’Aveyron, qui lui a permis de structurer et d’accroitre sa productivité, tout en conservant son lien fort avec la Lozère.
Son modèle repose sur les circuits courts, valorisant les scieries locales, garantissant ainsi une gestion raisonnée de la ressource forestière.
Initialement tournée vers les chaufferies collectives, Cogra a misé sur le marché des poêles à granulés pour les particuliers. Ce segment, représente aujourd’hui 90 % des ventes de granulés en sac. Les granulés représentant une alternative compétitive face au fioul et au gaz.
Fort de son succès, Cogra doit aussi composer avec une forte concurrence, notamment venue de l’étranger. Elle a choisi de miser sur son savoir-faire et son ancrage local pour se différencier de ses concurrents qui privilégient le volume au détriment de la qualité.
L’histoire de Cogra prouve que les territoires ruraux comme la Lozère ont la capacité d’innover et de relever les défis environnementaux et énergétiques actuels.
Thomas Pouget, comédien, Lozérien et fondateur de la Compagnie Joie Errante, a choisi de quitter les circuits traditionnels du spectacle vivant pour ramener la culture dans sa région natale. Un choix audacieux qui interroge sur l’importance d’ancrer la culture dans des espaces considérés souvent comme en marge.
Il va à la rencontre du public, et non l’inverse, et la compagnie se produit dans des lieux variés comme des salles polyvalentes, fermes, plein air, grâce à une scène itinérante qui s’adapte à chaque lieu. Une démarche qui créé du lien social et qui démontre que l’isolement géographique n’est pas un frein.
Joie Errante déconstruit les stéréotypes sur la ruralité en donnant la parole aux habitants, et s’inspirent de leurs témoignages pour sa création. Au-delà du lien social, la Compagnie revendique un rôle politique également, celui d’un véritable service public au service de la culture. Chaque spectacle est une occasion d’échanges, prolongeant l’expérience par des discussions et des débats conduisant à une véritable fonction de cohésion sociale de la culture.
Avec le choix de l’itinérance, Joie Errante y voit aussi une belle opportunité d’intégrer la culture à l’écosystème. Il privilégie les circuits courts, fait travailler les artisans et entreprises locaux. Il travaille d’ailleurs avec les Ateliers Tuffery pour les jeans. Les décors sont faits à partir d’éléments locaux et la restauration se fait chez les producteurs locaux.
Toute une approche qui contribue à l’économie locale et valorise les savoir-faire régionaux.
En repensant la diffusion culturelle, Joie Errante prouve que l’isolement peut être un moteur de renouveau culturel, inspirant au-delà de la Lozère.
Instance politique du Crédit Agricole, la Fédération nationale du Crédit Agricole est une association loi 1901. Ses adhérents sont les Caisses régionales, représentées par leurs présidents et leurs directeurs généraux.
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