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Ambiances urbaines, avec Lionel Blancard de Léry

Logement

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Solid'R à Mennecy (Essonne), ensemble lauréat du trophée Logement et territoire d'Immoweek dans la catégorie "programme solidaire".

Lionel Blancard de Léry, directeur général du groupe A 26, est un architecte-urbaniste passionné. Adaptabilité, réversibilité, matérialité, recyclage, intelligence artificielle… Il parle à cœur ouvert de son métier.

 

Le secteur du logement se porte mal, qu’est-ce que cela vous suggère ?

La crise est inédite, pourtant tellement prévisible : foncier cher, taux d’intérêt élevé, gouvernement peu enclin à favoriser l’immobilier (dispositifs Pinel et PTZ en fin de vie), collectivités « frileuses » à l’approche des échéances électorales, coûts des matériaux à la hausse, exigences renforcées du cadre normatif, etc. Il est paradoxal de constater que la principale composante du pouvoir d’achat des Français est peu ou jamais évoquée dans les campagnes électorales. Rappelons sans cesse à nos gouvernants que protéger nos concitoyens est un droit régalien, procurer un toit est la première de leurs priorités.

Aujourd’hui, à mon grand regret, le terme « logement » devient presque clivant pour l’habitant, de plus en plus réfractaire à l’acte de construire, et pour l’élu, qui va devoir réaliser de nouveaux équipements. Le rôle de l’architecte est de faciliter l’acceptabilité du projet. Ne devons nous pas plutôt parler d’habitat sous toutes ses formes (un lieu où l’on dort et où l’on peut travailler) ? De nouveaux termes apparaissent pour le définir : inclusif, adaptable, réversible, bien-être, mixité d’usages et de fonctions, cohabitation, coliving…

« L’architecte doit s’adapter aux changements (démographique, économique, sociologique, climatique, etc.) de notre société et des modes de vie qui en découlent« 

Dans la conception du logement, l’architecte doit s’adapter aux changements (démographique, économique, sociologique, climatique, etc.) de notre société et des modes de vie qui en découlent. Prenons par exemple le principe de réversibilité et d’adaptabilité : vous achetez un 4-pièces pour répondre aux besoins familiaux, quand les enfants partent, l’appartement doit pouvoir se transformer aisément en un 2-pièces et un studio. Vous pouvez ainsi vieillir dans une partie de l’appartement et tirer profit de l’autre.

Y a-t-il d’autres usages auxquels vous vous adaptez ?

La pandémie a révélé des usages nouveaux ou un peu oubliés : télétravail et coin bureau, espaces extérieurs impératifs pour tous les logements, importance de la lumière. De même, les lieux de rencontre et de convivialité sont des notions à développer : les halls d’entrée, lieux de flux par excellence, doivent être mieux pensés : coworking, distributeurs alimentaires, logistique des colis, bibliothèque partagée, mise en valeur d’œuvres d’art. Il faut également repenser les espaces annexes, tels les locaux à vélo avec un atelier de réparation et de gonflage, en leur redonnant du sens.

Quels sont les éléments que vous prenez en compte pour un habitat de qualité ?

Avant tout projet architectural, il faut faire de l’urbanisme, un moment d’écoute et de prise en compte des spécificités du territoire. Fort de cette connaissance, la qualité du plan doit être exemplaire. La totalité des logements doivent être meublables, lumineux, bénéficier d’espaces de rangement et disposer d’espaces extérieurs. La simulation numérique permet également d’optimiser les enjeux environnementaux.

Puis, il y a la matérialité (pierre, brique, bois, etc.) garante de performance et de pérennité. Les évolutions normatives amènent à introduire dans la construction de plus en plus de matériaux biosourcés issus de la production locale. Ainsi, nous réalisons cette année à Mennecy une opération exemplaire pour le compte de CA Immobilier, dont une partie sera réalisée en béton de chanvre par l’usine locale Wall’up Préfa (lire encadré). Nous introduisons dans la mesure du possible de plus en plus de matériaux recyclés. A26 vient de réaliser à Gennevilliers une première mondiale de construction en béton recyclé. Il est regrettable d’avoir abandonné une grande partie des carrières de pierre. Ce matériau géosourcé doit retrouver ses lettres de noblesse.

Enfin, il y a bien sûr la qualité architecturale et paysagère. Mais qu’est-ce qu’un immeuble réussi ? Celui qui plaît aux usagers, au maire, à l’architecte ? La façade appartient à la ville, le plan à l’usager. Faisons en sorte de réussir les deux et d’oser parler de beauté urbaine et paysagère, source d’un sentiment de bien-être.

Comment y parvenez-vous ?

Nous réalisons une étude urbaine pour appréhender le territoire sur lequel on va travailler. Celle-ci est enrichie d’une chronologie architecturale pour analyser les caractéristiques de la ville. Un bon projet se conçoit sous forme de promenade. On part de la rue, on travaille les limites entre l’espace public et l’espace privé, on aperçoit la façade, on entre dans le hall, l’escalier ou l’ascenseur, le couloir et l’appartement avec ses espaces intérieurs et extérieurs. Chaque phase de ce cheminement doit être de qualité. L’utilisation de l’outil numérique et de l’intelligence artificielle vont rendre les simulations quasi sans limites, la construction étant l’exacte réplique du modèle numérique. Avec une entreprise luxembourgeoise, nous travaillons actuellement sur la construction hors site pour concevoir, grâce à l’IA, des constructions en bois économes en matière et donc moins onéreuses.

Pour revenir à l’utilisation de matériaux de proximité, que manque-t-il aujourd’hui selon vous ?

Il faut reconstituer les filières. On parle de réindustrialiser la France, c’est une occasion unique ! Toutefois, n’enterrons pas trop vite le béton qui bénéficie d’un maillage territorial sans équivalent. Sa production peut être maîtrisée et moins carbonée. Il peut être recyclé. Nous devons réconcilier deux mondes qui communiquent mal : l’industrie de la construction et le bâtiment. Le développement hors site est une bonne opportunité (acceptabilité des chantiers, délais plus courts, performances énergétiques, etc.) pour renouer le lien.

Quelle est votre vision pour les années à venir ?

Le foncier constructible sera plus rare, les contraintes administratives resteront très fortes, l’acceptabilité des projets nécessitera davantage de pédagogie. Il va falloir concevoir les projets urbains avec un peu plus de verticalité et beaucoup plus de mixité de fonctions et d’usages. Nous commençons à avoir des programmes de logements qui intègrent des équipements (écoles, gymnases, etc.). Nous avons besoin de maîtres d’ouvrage, comme CA Immobilier qui, fort de ses implantations régionales, est soucieux de qualité et soutient l’économie locale.

Solidaire et environnemental
Solid’R Cité a été conçu par A26 pour CA Immobilier, à Mennecy (Essonne). En partenariat avec l’Association d’appui à la participation, à l’inclusion sociale et environnementale (AAPISE), le projet comprend 32 logements sociaux, une résidence d’accueil pour des personnes porteuses de handicap, une crèche inclusive de 20 berceaux, une résidence pour personnes atteintes de maladies neurodégénératives et une salle de sport pour les personnes âgées. Les bâtiments seront réalisés en béton de chanvre en Seine et Marne par l’usine Wall’Up Préfa, avec laquelle CA Immobilier collabore sur d’autres constructions hors site. Cet ensemble est lauréat du trophée Logement et territoire d’Immoweek dans la catégorie « programme solidaire ».
 

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