Bienvenue en Franche-Comté, région où innovation et tradition s’entrelacent pour relever les défis écologiques et industriels. Ici, le chanvre, culture ancestrale et solution d’avenir, occupe une place centrale dans la transition vers une économie bas carbone.
Avec ses plaines fertiles et ses entreprises innovantes, la Franche-Comté incarne une dynamique collective, où agriculteurs, coopératives et industriels travaillent main dans la main. Ensemble, ils construisent une filière durable, de la graine au produit fini, tout en favorisant l’économie circulaire et la souveraineté locale.
La première étape de cette Route des Transitions en Franche-Comté nous emmène dans le Doubs, à Merey-sous-Montrond, au sud de Besançon. C’est ici que l’entreprise Vieille Matériaux a ses usines. Fondé en 1963, ce négociant en matériel de construction a commencé par fabriquer des blocs de béton avant de faire évoluer son activité. « Je suis la troisième génération de la famille, explique Sébastien Vieille. Au fil des ans, j’ai réalisé que l’on ne pouvait pas continuer à puiser dans des ressources finies, comme les ressources minérales. Il était plus intéressant de partir d’une base végétale, tel que le chanvre. C’est une matière première qui revient chaque année. » Un vrai pari : la PME a investi 10 % de son chiffre d’affaires en R&D pour mettre au point le procédé de fabrication. Neuf ans plus tard, en 2015, Vieille Matériaux a créé la première – et seule – usine de transformation du chanvre pour la construction. Un pari audacieux mais un matériau écologique qui présente plusieurs avantages : cette plante est en effet un excellent isolant, à condition de savoir la transformer correctement.
Vieille Matériaux a prévu d’agrandir son usine pour produire davantage et ajouter de nouvelles machines. Elle veut en effet produire des isolants intérieurs en multi-chambre et sans pont thermique afin de créer des agglos isolants de faible épaisseur. En parallèle, la PME a investi dans des panneaux photovoltaïques en autoconsommation – 1 million d’euros – pour tendre vers une usine zéro carbone.
La famille Fortin ou la transmission des convictions
Philippe Fortin a repris il y a plus de trente ans l’exploitation familiale située à 1 heure au nord de Besançon, près de Theuley. Avec sa femme, il l’a agrandie avec un objectif clair : privilégier les cultures végétales pour éviter les lourds investissements liés à l’élevage animal. En 2000, il décide d’ajouter le chanvre dans sa rotation agricole. À l’époque où Philippe Fortin débute, cette culture est encore marginale en France. « On a été accompagnés par notre coopérative, qui voyait dans cette plante une niche prometteuse. Certes, il y avait des incertitudes, mais la stabilité du prix de vente nous a permis de continuer », raconte-t-il, alors que nous visitons un de ces champs où du chanvre fauché jonche encore le sol. Son fils Nicolas confirme que cette régularité des revenus reste un atout majeur : « Contrairement à d’autres cultures, on connaît le prix du chanvre dès sa plantation. Cela en fait une valeur sûre dans un marché agricole souvent imprévisible. » En 2018, Nicolas a repris l’exploitation. « Le chanvre, c’est un pari que mon père a eu raison de faire. Aujourd’hui, il fait partie intégrante de notre rotation, entre 5 et 10 % de notre surface annuelle », explique-t-il
Eurochanvre : un rôle stratégique pour la structuration de la filière
Derrière le développement de la culture du chanvre en Franche-Comté, il y a la coopérative agricole Interval, qui regroupe plus de 4 500 agriculteurs dans toute la Haute-Saône. En 1996, elle a créé Eurochanvre afin de transformer et commercialiser les produits issus du chanvre. Cette structure, implantée à Arc-lès-Gray au nord-ouest de Besançon, a joué un rôle pionnier en permettant aux producteurs locaux de développer des débouchés industriels pour le chanvre.
Du chanvre dans les voitures : le partenariat gagnant-gagnant d’APM
Par l’entremise d’Eurochanvre, Interval ne se limite pas à la simple transformation de la plante, la coopérative est également au cœur d’une gouvernance stratégique avec l’équipementier automobile Forvia (ex Faurecia). À eux deux, ils ont créé en 2014 une joint-venture à 50-50 nommée APM, Automotive Performance Materials. La structure se fournit en chanvre auprès d’Eurochanvre et le transforme pour en faire des granulés qui seront ensuite mélangés avec du polypropylène puis transformés en éléments composites pour l’automobile. À la clé, un matériau en partie biosourcé, le BioMat, qui permet de réduire l’usage du plastique dans le secteur.
Une filière qui transforme tout une région, du champ à l’industrie
La Franche-Comté, avec sa filière chanvre, démontre que tradition et innovation peuvent s’unir pour répondre aux grands défis de notre époque. En s’appuyant sur des savoir-faire locaux et des coopérations étroites entre agriculteurs, industriels et entrepreneurs, cette région illustre une transition écologique ambitieuse et cohérente. Avec le chanvre comme symbole de résilience et d’avenir, la région trace une voie inspirante pour d’autres territoires. Plus qu’une étape, cette expérience témoigne d’une dynamique collective où chaque acteur, qu’il soit agriculteur, artisan ou industriel, joue un rôle décisif dans la transition. Une leçon simple mais essentielle : c’est ensemble, en valorisant nos ressources locales et nos talents, que nous inventerons le monde de demain.
Le chiffre
90 jours. C’est le temps moyen pour faire pousser du chanvre. C’est ce qu’on appelle une culture à cycle court. Si les conditions météorologiques sont mauvaises, il lui faudra 120 jours pour se développer.
Instance politique du Crédit Agricole, la Fédération nationale du Crédit Agricole est une association loi 1901. Ses adhérents sont les Caisses régionales, représentées par leurs présidents et leurs directeurs généraux.
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